toutes les actus > FILIERE SPIRITUEUX

Les tireuses à vin, une révolution nécessaire ?

Si elles existent depuis longtemps pour faciliter la consommation de bière, les tireuses représentent une innovation majeure dans l'industrie vinicole. En transformant notre manière de stocker, distribuer et consommer le vin, cette technologie va avoir des implications significatives tant pour les professionnels que pour les amateurs.
Article - 28 janvier 2025

 

Dispositif d’emballage et de distribution conçu pour conserver le vin de manière optimale, la tireuse à vin offre une solution pratique pour les restaurateurs et tous types de services. Léger et hermétique, généralement conçu en plastique recyclable et équipé d’une poche intérieure qui protège le vin de l’oxydation pour en préserver la fraîcheur, ce fût d’un genre nouveau promet un usage plus pratique et plus respectueux de l’environnement.
Dans les faits, a priori, on ne peut que donner raison aux entrepreneurs de la Winetech, et notamment au géant néerlandais OneCircle qui produit le KeyKeg dont le nom s’est aujourd’hui imposé comme antonomase. Cette technologie permet aux professionnels de servir des vins au verre sur une longue période, sans sacrifier la qualité des cuvées. Un exemple parmi tant d’autres, le temps d’un festival, les tireuses permettent d’éviter d’ouvrir des centaines de bouteilles et de servir du vin à la bonne température quelles que soient les conditions climatiques. Question transport, les tireuses sont aussi robustes que faciles à déplacer. La distribution et le stockage du vin s’en trouvent très largement simplifiés. Enfin, en utilisant des matériaux recyclables, elles offrent une alternative écologique aux bouteilles traditionnelles, répondant aux préoccupations croissantes en matière de durabilité dans l’industrie viticole.

Plus écologique et plus économique que la bouteille en verre
Capable de conserver le vin sur de longues durées, la bouteille en verre devait par le passé offrir un contenant hygiénique et durable. Toutefois, avec le temps, l’usage a changé. Plus de 80% des vins sont aujourd’hui consommés juste après leur mise en marché. Cet état de fait ne justifie plus les dépenses énergétiques colossales que réclament la production et le transport des bouteilles classiques (voir encadré) et ouvre la voie à nouveaux modes consommation.

La popularité croissante des tireuses à vin permet ainsi de développer certains usages dans l’air du temps. Dans les établissements populaires que sont les Bouillons, les Grandes Brasseries ou au sein des cantines professionnelles et autres catering de marques, les tireuses fluidifient le service en proposant une manutention simplifiée pour les équipes. De surcroît, en permettant de remplir différents types de contenants siglés du nom de l’établissement ou d’une marque, les tireuses créent une nouvelle approche du vin. “Honnêtement je trouve ça super ! Les tireuses redonnent un côté festif au vin et la possibilité pour les bars de travailler sur des cuvées spéciales !” s’enthousiasme le chef Florent Ciccoli, fondateur, entre autres, du Café du coin. “Je rêve d’un bar avec un rouge, un blanc et un vermouth à la tireuse! ”.
Débarrassé des étiquettes et des bouteilles, la dégustation au verre ou à la carafe encourage les clients à explorer une gamme plus large de vins et à se fier au restaurateur qui lui propose une offre à la fois conviviale et économique qui signe le retour du “vin de la maison” sur les tables du restaurant. “C’est hyper sympa, ça a un petit côté rétro, ça change du côté prétentieux et modeux des bars à vins branché du moment où toutes les bouteilles coûtent un bras” explique David attablé à la Liquiderie, rue de la Présentation, à Paris. En effet, raisin sur le gâteau, la réduction des coûts pour toutes les parties prenantes constitue un argument fort en période d’inflation.

L’aspect romantique en moins
Toutefois, certains amateurs de vin, si ce n’est la plupart, attachent toujours une importance considérable à l’ouverture d’une bouteille fermée d’un bouchon de liège. Ceux-là peuvent percevoir les tireuses comme une déviation par rapport à la tradition, voire une invention inutile qui nuirait au rituel qu’offre le flacon. Plus généralement, on note chez certains une perception négative des tireuses, notamment à cause de leur revêtement plastique et de l’insistance de la communication entourant cette invention récente de la part d’entrepreneurs zélés. Rencontrée Au Verre Volé, un caviste parisien, Margaux déplore “une volonté presque stressante de toujours tout optimiser dans tous les domaines”. Et, la jeune femme, qui travaille dans le milieu de la restauration, de continuer “Moi, je suis attaché à l’aspect romantique des bouteilles, au poids, aux étiquettes, j’ai presque envie de dire aux traditions.” On notera également la dépendance technologique des établissements qui, s’ils rencontrent la moindre défaillance technique, ne pourront plus servir de vin, ou encore les difficultés rencontrées pour recycler les fûts. Des arguments forts mais loin d’être insurmontables face aux défis qui s’annoncent pour la filière viticole : hausse des prix des matières premières et des coûts de transport, baisses des rendements dû au réchauffement climatique et concurrence internationale du marché du vin. Il faudra bien se réinventer d’une manière ou d’une autre. Par ailleurs, on notera que, dans un marché en plein essor, les initiatives fleurissent pour proposer des alternatives au KeyKeg de OneCircle. Citons notamment les entreprises françaises Ecofass ou Flexikeg qui s’appliquent à proposer des fûts toujours plus écologiques.

Ainsi, les tireuses à vin peuvent représenter une avancée bienvenue dans l’industrie vinicole. Bien que certains défis existent, les avantages en termes de conservation, de rentabilité et d’expérience pour les consommateurs en font une option attrayante pour les professionnels cherchant à rester à l’avant-garde de l’évolution des tendances de consommation et pour les vignerons souhaitant atténuer empreinte carbone et charges fixes.

La mort programmée de la traditionnelle bouteille en verre
Si cela peut paraître contre-intuitif, la bouteille en verre est bel et bien une aberration écologique. Selon une étude finlandaise, elle serait le contenant le plus polluant, loin derrière la tireuse en PET (un type de plastique pourtant pétrosourcé). On estime ainsi que 40% du bilan carbone d’une entreprise viticole provient de la bouteille en verre (609 kilos de CO2 pour une bouteille). Particulièrement lourde (on estime son poids entre 1,2 et 1,4 kg pour un vin tranquille), sa fabrication exige beaucoup d’énergie. Par ailleurs, la pénurie de papier impose des délais importants pour les livraisons d’étiquettes et de cartons. Pénalisant encore un peu plus financièrement les vignerons.

By Victor Coutard