Les “functional drinks”, révolution dans le sans-alcool
Dans le colossal et florissant marché du “no/low alcohol”, une nouvelle génération de liquides s’apprête à changer la donne. Tout droit venus des Etats-Unis, les “drinks fonctionnels” proposent de nouveaux goûts, de nouveaux modes de consommation, et promettent de chatouiller les sens autant que les papilles, au même titre qu’un spiritueux classique, les degrés en moins.
Dans le colossal et florissant marché du “no/low alcohol”, une nouvelle génération de liquides s’apprête à changer la donne. Tout droit venus des Etats-Unis, les “drinks fonctionnels” proposent de nouveaux goûts, de nouveaux modes de consommation, et promettent de chatouiller les sens autant que les papilles, au même titre qu’un spiritueux classique, les degrés en moins.
Ce n’est plus une tendance mais une lame de fond. Le marché du nolo (pour “no/low-alcohol”, non ou peu alcoolisé) continue à croître pour s’installer durablement dans nos habitudes de consommation liquides. Qu’il est loin le temps où la sobriété dessinait de tristes soirées entre Tourtel et Perrier-rondelle. Vins sans alcool, bières sans alcool ou à très faible degré, “gins” (1) ou “whiskies” 0,0%, virgin cocktails… En 2022, estime l’IWSR, le chiffre d’affaires du nolo a dépassé les 10 milliards d’euros, avec une croissance de 7% sur ses 10 marchés clés.
Les grands groupes de spiritueux, sentant monter les préoccupations santé et bien-être portées par les 18-25 ans, investissent d’ailleurs énormément dans la catégorie, à l’image de Distill Ventures, la tête chercheuse du géant Diageo, qui héberge le plus gros incubateur de sans-alcool, et planchent sur la nouvelle génération de produits. Car le deuxième étage de la fusée nolo a déjà décollé : depuis à peine plus d’un an, une révolution se prépare avec l’arrivée des “functional drinks”.
“Functional drinks” ? Mais de quoi diable parle-t-on ? Les “boissons fonctionnelles”, en good french, sont des liquides non alcoolisés créés pour engendrer des effets au-delà du goût et de l’hydratation. Vous en connaissez déjà maints exemples, puisqu’on regroupe sous cette étiquette les sodas énergisants, les tisanes relaxantes, les jus anti-oxydants, les eaux, kéfirs ou autres améliorés en herbes, racines, minéraux, acides aminés, CBD, probiotiques… La nouveauté ? Les functional drinks entendent grignoter sur le terrain des spiritueux. On les commande au bar au lieu de les acheter au rayon bien-être de l’épicerie bio ; et on les sirote en toute convivialité en soirée, et non le matin après le cours de yoga.
Ces nouveaux breuvages intègrent des adaptogènes et des nootropiques, des régulateurs métaboliques auxquels on prête une multitude de vertus – stimulantes, relaxantes, euphorisantes, boosters de créativité… –, piochées dans les médecines traditionnelles chinoise ou ayurvédique. Ils induisent des sensations physiques autant qu’aromatiques, au même titre qu’un spiritueux, et s’éloignent de l’offre classique du sans-alcool en proposant une expérience de dégustation sophistiquée, avec des drinks qui se sirotent lentement, par gorgées.
“Contrairement aux autres nolo, les functional drinks ne cherchent pas à se substituer à des alcools existants, ni à recréer les saveurs qu’on trouve habituellement dans ces alcools”, prévient Samantha Pitts, directrice des achats chez Drinks & Co, le concept bar-caviste parisien inauguré par Pernod Ricard en 2021. Et la jeune femme, très en pointe sur le zéro degré, d’ajouter promptement : “Ce sont des boissons élaborées à partir d’ingrédients nouveaux, qui développent des arômes et des goûts nouveaux. Et qui se positionnent sur un créneau super premium en adoptant des codes festifs et non plus “healthy”.”
Puissants en saveurs, en texture, en sensations, les drinks fonctionnels s’en sortent plutôt bien en mixologie. Les bars new-yorkais trendy tels Manhatta ou le Clover Club les ont déjà adoptés, alors que le marché américain décolle plein pot. Mais en France, l’offre reste pour l’heure très timide, un seul producteur –Three Spirit, l’un des pionniers –, exportant sa gamme de 3 embouteillages : Livener, énergisant et à consommer en début de soirée, Social Elixir, euphorisant et à servir en Espresso Martini par exemple, et Nightcap, relaxant et à savourer en Old Fashioned ou pur avant de héler le taxi pour rentrer. On peut en faire l’expérience au bar Drinks & Co qui, après un très remarqué Pizza, malheureusement disparu avec la carte de cocktails estivale, propose un réjouissant Ti’ Biscuit. Et explorer ainsi l’avant-goût de la nouvelle sobriété heureuse.
Avec des guillemets, car la règlementation exige que le gin soit embouteillé à un titre alcoométrique minimal de 37,5%, contre 40% pour le whisky.
3 questions à Samantha Pitts, directrice des achats chez Drinks & Co.
En quoi les “functional drinks” se distinguent-ils des autres “spiritueux” sans alcool ?
Alors que les nolo se positionnent sur le zéro – zéro alcool, zéro sucre, zéro calorie… –, les functional drinks veulent au contraire apporter un bénéfice au consommateur. Ils ajoutent au lieu de retirer.
Annoncent-ils une vraie révolution dans le sans-alcool ?
Oui, sans aucun doute. Car ils n’essaient pas de recréer des saveurs ou des spiritueux qui existent : ce ne sont pas des substituts sans alcool au gin ou au whisky, par exemple, mais des propositions différentes, avec d’autres codes de consommations. Les nolo classiques ne se dégustent pas purs, alors qu’on peut parfaitement profiter d’un functional drink sec, sur glace.
La tendance est née très récemment aux Etats-Unis. Est-elle en train d’arriver en France ?
La France est un marché conservateur, très en retard sur cette catégorie par rapport aux Etats-Unis ou au Royaume uni et certains pays européens. L’offre est très réduite, on y trouve pour le moment une seule marque, Three Spirit. Hormis les geeks, personne ne sait que les functional drinks existent, ce n’est pas un produit que l’on demande chez son caviste. Pas encore du moins. Mais regardez ce qu’il s’est passé sur les autres nolo : au début, quand Seedlip est apparu, personne n’y croyait ; et aujourd’hui, une multitude d’acteurs se sont lancés, l’offre s’est diversifiée, et la demande des consommateurs n’a jamais été aussi importante.
By Christine Lambert